•  

     

    Il pleuvait. L’herbe était mouillée. Mais elle marchait pieds nus, frigorifiée et trempée. Il ne pleuvait que sur elle. Sur toute sa peine.

    Elle pleurait. Ses joues étaient trempées. Mais ses larmes se confondaient avec la pluie. Elle ne pleurait que sa misérable tristesse. Elle se foutait du monde entier.

    Ce soir elle avait décidé d’être égoïste et de ne pas croire en l’humanité. Ni même en elle. Ce soir elle allait faire ce qu’elle voulait. Sans réfléchir, dans l’espoir de sourire un jour. Dans l’espoir de revoir un jour le soleil. Espérant que le vent souffle sur ses ténèbres et qu’un jour elle retrouverai son bonheur perdu. Cependant elle savait qu’elle ne pouvait pas garder les pieds sur terre. Seul les oiseaux peuvent voler. Et elle n’en était pas un. Rongé par ses péchés, par tout le mal qu’elle a fait sans s’en rendre compte. Consciemment et inconsciemment, elle avait tué l’espoir et la joie. Elle avait éteint tout part d’humanité, pour vivre. Non, pour survivre. Pas à pas, elle mourrait de froid. Elle moisissait, rongée par la culpabilité et assassinée par la réalité. La réalité qui l’avait frappé d’un coup, traître, dans le dos. Alors elle avançait toujours. Mais du mauvais côté. Reculant, contre les éléments, sous une pluie battante. Meurtrie, elle défiait le destin. Rebelle, elle sacrifiait sa vie. A la quête du meilleur. Ou au moins le pire du meilleur. D’un soleil balayant le mauvais temps et ses tracas. Espérant retrouver l’espoir. Elle continuait, allant droit devant elle. Ses pieds frôlant le sol. Jusqu’à ce que le suivant soit le dernier, jusqu’à ce qu’il ne rencontre plus que sa liberté.

     

     

     

     


    6 commentaires
  •  

     

     

     

    Adossé au mur là, paisible alors que tout le monde bougeait la tête frénétiquement au rythme de la batterie, lui ne tapait que faiblement du pied. La tête légèrement baissée il fixait le sol, sourire en coin, comme satisfait. On ne pouvait que l’être, satisfait. Satisfait de cette musique, battante plus vite que son cœur. Cette musique entraînante, cette musique si forte à s’en déchirer soit même les tympans. Cette musique fière qui briserait tout sur son passage. Il savait que cette musique le rendait fort. Et il avait raison. Son regard de braise bercé par cette mélodie tapante ne faisait qu’amplifier son charme. Presque orgueilleux, il relevait le menton en savourant. Il me regardait, violemment, comme une bête regardant sa proie. Me narguant. Comme un homme regardait une femme. Empli de supériorité superficielle, presque inexistante. D’un léger mouvement, il dégagea ses cheveux de son front. Déjà la musique et lui ne faisait plus qu’un. Comme un seul élément qui éveille tous les sens. Tout mes sens. Irrésistiblement attirée. Incroyablement  repoussée. Ne sachant plus quoi penser. Et toujours la musique continuait. Fidèle à son tempo. Et toujours il gardait ce sourire. Fidel à ses lèvres. Et encore je le regardais, sans perdre la tête, écartant de folles pulsions animales, restant immobile. Fidèle à mon poste. Il charmait. Il était l’allégorie de cette musique. Sa représentation physique. La perfection des notes. Constitué d’accords, de justesse, de passion et d’amour. Il était tout ce que j’aimais dans la musique, émoustillant mon ouïe. Il vivait sur la corde d’une guitare et vibrait à chaque fois qu’on l’effleurait. Il avait. Il avait des doigts de pianistes et une voix d’or. Justement ajusté. Parfaitement juste. Divers et toujours splendide il me portera jusqu’à la fin, quelque soit son air. Jusqu’au dernier souffle, jusqu’à mon dernier souffle. Car il est un son éternel. Parce que je suis amoureuse de la musique.

     

     


    6 commentaires
  •  

    On pourrait dire que mon cœur s’est stoppé net. Pourtant il battait si fort que je n’entendais que ça. Sa voiture était dans un état épouvantable. Les vitres brisées, la carrosserie bosselée, pas un endroit n’était lisse. Devant ce chao, un brouillard nocturne se levait, me séparant d’elle. J’avais si peur, que je ne pouvais bouger, paralysé. Je ne supportais pas l’idée de pouvoir la perdre. Je m’approchai rapidement. La vision me fut inacceptable. Sa tête contre le volant, sans connaissance. Les ténèbres ne cachaient pas tout ce sang et ses ecchymoses. J’aurais voulu que tout cela n’arrive pas. Je posai mes mains tremblantes sur la poignée de porte. Tira, vainement. Mon cœur alors se remit à battre normalement. Ce qui me parut éternité ne dura que quelques secondes. Je fus serein. Concentré, sur mon but. Une bouffée de chaleur sortie de mon estomac, brûlant tout au passage. Me donnant la force, cette force animale, dont j’avais besoin. Et toute cette rage contre le monde sortit en une fraction de seconde. Avec mes espoirs je tirai sur cette porte et avec vos espoirs elle céda. J’étais maître de tout. Fou à lier. Fou de cette fille. Hurlant de désespoir tel une bête perdue, je la sortie de cette tombe. Là dans mes bras, le visage paisible, comme endormie, elle semblait en sécurité. Je la serrais de  peur qu’elle tombe dans un gouffre si profond. J’avais peur de la perdre, de ne plus la retrouver. Son sang réchauffait mes bras nus. Ma gorge se serra. Mon souffle se coupa. J’étouffais. Des larmes roulèrent timidement sur mes joues tirées par un sourire triste. Des sirènes brisèrent le silence qui me tuait, les phares percèrent l’obscurité. Mes rêves d’avenir avec elle, me tenaient debout. Mais je me sentais défaillir. Je la sentais plonger, la tête la première. Je la sentais s’envoler avec la brise fraîche qui court dans ses cheveux. Je me sentais l’abandonner. Je me sentais faible et vulnérable. Je ne sentais plus son cœur battre contre le mien. Je sentais juste qu’ils me l’enlevaient. Je sentais la terre froide contre ma peau. Je me sentais voler. Des portes claquer. Une voix au loin. Pas la sienne. Puis plus grand-chose. J’attends toujours qu’elle me revienne.

     

     

     

     

     

     


    2 commentaires
  •  

    Je marchais dans les rues qui m'étaient inconnue. Elles n'étaient pas non plus réelles. Les yeux clos, je marchais dans mon esprit, seule. Mes pas résonnaient, et me donnaient la migraine. Je ne voulais aucun bruit, aucun souffle. Mais mes souliers sur les pavés en avaient décidé autrement. Ils tapaient contre mes tempes. Ils me rappelaient que tout cela n'était pas réel. Ils voulaient m’obliger à ouvrir les yeux. Je luttais contre mes propres pieds qui voulaient retrouver la terre ferme. Ils voulaient me ramener à la réalité. Alors je me battais, pour rester dans ce monde où je pouvais être isolée, où personne ne me dérangeait. Un monde où je ne préoccupais de rien, ni même de moi. Où la solitude me berçait à travers les ruelles de mes songes. Où je n'avais plus conscience du temps. Je ne voulais pas rouvrir les yeux. Mon ventre gargouillait, mon corps voulait reprendre possession de ma raison. C'était une lutte acharnée entre mes organes et mon esprit. Si mon corps gagnait alors bientôt mes yeux seraient ouverts et je ne me rappellerais rien de cette bataille. Je retrouverais tout ceux que j'ai quitté le jour de mon accident, et ma vie ne serait plus jamais pareil. Plus jamais, je n'aurais de bulle si protectrice, si loin de tout, de la réalité.  Je sortirais du coma, je respirerais et je retrouverais, mes joies, mes peines, mes soucie, leurs sourires, et le mien, ridiculement faux.

     


    15 commentaires
  •  

    Aussi innocente qu’un nouveau né. Aussi naïve qu’un enfant. Aussi fraîche qu’une brise. Elle frôlait les touches de son piano pour la dernière fois. Elle le savait. Mais elle restait ignorante. Bercée par sa mélodie, elle bougeait sa tête lentement comme animée par les résonances des cordes du piano. Elle accéléra la cadence. De plus en plus vite. Ses doigts ne suivant plus. La douleur devenant insoutenable. Son cœur se battant. Ses poumons s’oppressant. Elle ne voulait s’éteindre. Un rictus déformant son visage, déjà creusé par la maladie. Ses mains, frêles et ridées. Son esprit efficace et éternel. Elle vivait encore. Elle continuait sans relâche la partition. La sienne. Elle ne s’arrêterait pas avant la fin. Elle en était persuadée. Elle revivait au rythme singulier de cette berceuse sa vie, comme elle l’avait été. Elle revivait ses choix, ses bonheurs, ses malheurs. Tous ses malheurs. Le beau temps, la pluie. Surtout la pluie. Puis ses orages, passagers. Aussi vite arrivés que repartis. Des vies. Arrachées à la sienne, si rapidement. Sa vie. Seule depuis un long moment. Son printemps, son été, son automne, puis maintenant son hiver. La neige, recouvrant ses beaux cheveux blonds. Sons jardin fané. Ses pensées noires, avaient pris l’emprise de ses journées, de son reste de vie, de sa fin. Cette mélodie d’abord rythmée, entraînante, joyeuse, devenue de plus en plus lente, de plus en plus dramatique. Plus noire. Une mélodie jouée sans relâche, de moins en moins rapide. De plus en plus douce. Ses doigts, de plus en plus faibles. Ses yeux, imbibés de larmes. Son sourire tiré par ses rides, s’enfonçant dans le creux de ses joues. Las, elle joua ses dernières notes, son dernier souffle en posant doucement sa tête contre le piano. Ensemble ils atteignirent les sommets, portés pas cette juste mélodie.

     


    10 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique