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    Non, je ne peux pas vous jurer que je n'y avais jamais pensé avant. Je ne peux pas non plus dire que tout va bien. Je ne serais pas ici si je le pouvais, non ?

     

    Je n'en pouvais plus. Plus du tout. Je pleurais des torrents, si bien que j'aurais pu inonder le Sahara. Je ne savais plus quoi faire. Si vous saviez. Une douleur immense que je ne pouvais localiser. Je me sentais incroyablement compressé. Je souffrais. Je ne pouvais plus bouger tant je me cramponnais à moi-même. Je me roulais de droite à gauche, frénétiquement, à m'en donner le tournis. Je voulais faire plus. Pleurer plus, extérioriser plus ma douleur. Mais je n'y arrivais pas. Je crois que j'étais au maximum de ce que mon corps pouvait. Je pouvais exploser. Je paniquais à l'idée de m'étouffer avec mes propres sanglots, d'en vomir. Mais il fallait que sa sorte. Que quelqu'un ou quelque chose me libère de ça, car je n'en pouvais vraiment plus. Alors j'hurlai. Un cri comme jamais personne n'avait entendu. Un déchirement, une plainte affreuse, presque inhumaine. Je m’étonnai moi-même d'avoir pu émettre ce son. Ma belle mère, la nouvelle femme de mon paternel, accouru à mon secours. Elle se tenait là, sur le pas de la porte, blême et essoufflée. Je me sentis bête pendant un infime instant puis, je sentis tout ma rage monter en moi. C'était bien la dernière personne que je voulais voir. Elle était une adulte, elle ne comprendrais pas. Je parcourus rapidement ma chambre du regard. Tout s'illumina. La seule source de lumière naturelle serait mon issue. Je me calmai d'un coup. Vraiment, j'étais calme et serein. Sur de moi. Je me levai tranquillement de mon lit, le visage imbibé d'eau, le t-shirt trempé de larmes et de bave. Je devais sûrement avoir l'air d'un fou furieux. Elle me demanda si tout allait bien, et que signifiait ce raffut. Je m'en doutais, elle s'en foutait un peu. Je lui tournai le dos sans rien dire et me dirigeai d'un pas rapide vers ma fenêtre. Arrivé en face de celle-ci, je l'ouvris et pris une grande bouffée d'air frais. Ma belle mère me demanda ce que je faisais, d'un ton plus pressant cette fois ci. Je ne lui répondit pas et m'assis sur le rebord, les pieds dans le vide. Je me sentais revivre. Tout proche d'une fin paisible. Elle se précipita vers moi. M'entoura de ses bras ignobles, me tirant vers l'intérieur, je hurlai encore et encore. Elle aussi hurlait. Pour que quelqu'un vienne l'aider. Car je me débattais, le plus que je pouvais. J'avais été si près de la liberté, prêt à prendre mon envol et elle avait tout gâché. Je me ressentais incroyablement mal, et je souffrais, encore.

     


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  • Il pleuvait à verse. L'eau ruisselait sur les vitres de la véranda. Je ne connaissais que trop bien cet endroit. Là, je n'y était pas revenu depuis longtemps. Dix-huit mois. Dix huit mois sans thérapie. Elle, qui était assise en face de moi, dans ces fauteuils qui se devaient de relaxer au maximum les patients. Elle me regardait, intensivement, attendant que je le dise. Mais non, je ne pouvais pas. Non, pas encore. J’entrouvris la bouche. Aucun son n'en sortit. Je ne pouvais encore rien dire.

     

    Oh, oui. Il n'était pas regretté pour grand monde. Oh oui, c'était une vraie tête de con. Les gens ont jasé, dès le début. J'avais beau leur dire que ce n'était pas ce qu'ils croyaient, ils ne m'écoutaient pas. Le monde à besoin de ragots de gens prédéfinis, d'histoires préjugées pour survivre. Alors pendant un temps nous étions, la petite aventure de Baker Street. Ce fut un heureux hasard, de rencontrer mon ancien ami de fac. Un heureux hasard qu'il ai réussit à supporter un tant soit peu Sherlock, juste le temps de nous présenter. Je l'ai toujours trouvé remarquable, excellent, bien qu'il soit horriblement arrogant et qu'il dise bien souvent que j'étais bête. Mais il n'avait pas tord. Personne ne peut surpasser son incroyable intelligence. Quoiqu'il eusse dit, il n'a jamais été un imposteur, jamais.

     

    Elle prononça quelques mots, que j'écoutai vaguement. Oui, il s'était passé quelque chose. Et bien qu'elle le niait elle le savait. Mais je ne voulais pas le prononcer. Elle insista un peu plus. C'était son métier, elle devait savoir ce qu'elle faisait.

     

    "Votre thérapeute se trompe, ce n'est pas un syndrome post-traumatique. C'est un manque. La guerre vous manque" Il l'avait trouvé, d'un simple regard. Son frère aussi d'ailleurs. Son frère, le vendu.

     

    Je rouvris la bouche. Pris une grande inspiration. Puis souffla. Je regardai la pluie. Elle coulait, goutte par goutte, le long de la fenêtre. Tournai doucement la tête vers la thérapeute, comme si j’avais peur de me faire mal. Je balbutiai enfin: Sherlock est. Je m’arrêtai là, secouai la tête et étouffai un sanglot. Elle m'encouragea, encore, me disant que j'y était presque. Non! Je n'y étais pas ! Il ne me restait qu'un mot, un foutu mot! Le mot qui donne toute l'importance, celui qui vous force à lire cet phrase jusqu’à la fin. Ce mot qui me torture. Ce mot là, qui me hante, encore et encore. Je repris alors, presque clairement: Sherlock... est mort.

     


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